Semaine du 30 mars au 5 avril 2020
Les jeunes du milieu ouvrier et des quartiers populaires ainsi que leurs familles subissent et subiront de plein fouet les effets de cette crise sanitaire qui vient frapper durement les plus précaires. Car oui, nous ne sommes pas tous égaux face au confinement… Au sein du mouvement, les jeunes sont nombreuses et nombreux à appréhender cette période pour leurs conditions de vie et de travail notamment, la crise que nous traversons renforce et rend visible les inégalités. Parce qu’elles et ils valent plus que tout l’or du monde, la JOC publiera chaque jour sur son site (ainsi que sur Facebook et Twitter) leurs témoignages pour rendre visible leurs vies en milieu ouvrier et quartiers populaires.
“D’habitude, c’est plutôt la télévision qui me regarde”
“Avec le confinement, je ne peux pas travailler. Avec ma femme, nous sommes dans notre appartement. Ma femme était en stage dans un EHPAD mais l’école lui dit de rester chez elle. D’un côté, ça me soulage un peu. C’est très difficile de ne pas aller travailler. Pour moi, travailler est une thérapie. Ça me permet de ne pas revivre le passé. Pour m’occuper, je ne fais rien de spécial. Hier, j’ai essayé de refaire de la peinture chez moi. Je regarde la télévision mais au bout d’un moment, ça me saoule. D’habitude, c’est plutôt la télévision qui me regarde. Ce soir, je vais aller courir, ça va me faire du bien, me changer les idées. J’ai envie de dire aux jocistes qu’il faut respecter le confinement, respecter les gens, tout ce qu’on nous a demandé. C’est difficile mais c’est tous ensemble qu’on s’en sortira.”
Amour, 28 ans, Bourges (18)
“Ma mère fait la médiation, elle est géniale”
“Je suis en famille, j’ai de la chance. Ma mère est malade, et est considérée comme une personne à risque, mon père, lui, continue de travailler : il est technicien biomédical et il installe des appareils respiratoires à domicile. J’ai une sœur en confinement total pendant deux semaines, elle est en étude pour être infirmière et elle a été en contact avec une personne contaminée. Mes deux dernières sœurs jumelles de 16 ans, n’ont pas cours. Ça chauffe à la maison, on est obligé de retravailler l’organisation et de partager les tâches. Ma mère fait la médiation, elle est géniale.
Fin mars je devais partir en stage dans un ESAT, à Blain en Loire-Atlantique, malheureusement c’est reporté. Je dois reprendre un rendez-vous pour l’effectuer plus tard…
J’avais fait il y a quelques semaines toutes les démarches pour bénéficier de l’AAH (Allocation adulte handicapée). Je ne sais pas quand je l’aurais et en attendant, c’est compliqué, je n’ai rien, aucun revenu.
En ce moment, mes premières journées de confinement, c’est beaucoup les écrans, je l’avoue. J’ai créé des groupes sur Whatsapp pour garder contact avec les copains et les copines de la JOC, pour se sentir moins seuls. Je voulais faire de la flûte, mais on est trop nombreuses et nombreux à la maison, je vais gêner, c’est pas la peine. Je vais faire du rangement.
Aux jocistes, partout en France : restez en lien, avec vos équipes, vos amis, vos proches, et ne perdez pas espoir ! Il vaut mieux rester confiné pour vaincre le virus. J’aimerais aussi que de plus en plus de personnes suivent le rendez-vous donné sur les réseaux sociaux : tout le monde à sa fenêtre à 20h pour applaudir les gens qui continuent de bosser pendant le confinement.”
Maëlle, 23 ans, Saint Nazaire (44)
“Ce confinement nous rapproche plus que jamais tous les quatre”
“Mon confinement c’est à la maison, avec mon conjoint ma fille qui va avoir 5 ans et mon fils de 18 mois. Notre quotidien est rythmé entre les devoirs de la petite, s’occuper du petit, le ménage de printemps, oui il faut bien s’occuper, du rangement… Jouer aussi car c’est très important le jeu, et un peu de télé pour se divertir. Il y a des jours ou également on met un peu la musique et on danse : mes enfants adorent ça. Ce confinement nous rapproche plus que jamais tous les quatre. Entre la routine pour moi, le boulot pour mon conjoint, il est carrossier-peintre, et au chômage technique en ce moment : être « H24 » ensemble nous rapproche. Ce dont j’ai peur, c’est comment faire tenir les enfants dans la durée. C’est pas facile, surtout pour ma fille de 5 ans, de lui faire comprendre ce que nous vivons. Chaque jour, je reçois d’une amie un message avec une prière d’un groupe qui s’appelle la pierre d’angle. Ça me met du baume au cœur. Nous avons hâte que cela se termine. Si ce n’est pas encore prolongé, nous espérons fêter les 5 ans de ma poupette qui est née le 28 avril et pouvoir faire cela avec nos proches.”
Pascaline, 26 ans, Arras (62)
“C’est embêtant, j’étais en train de passer mon BEP”
“Je vis avec ma mère et mon frère. Ma mère continue de travailler, elle est agent d’entretien dans des bureaux et espaces publics. Je crois qu’elle aurait aimé être en repos. Mon petit frère a 12 ans, il joue beaucoup à la console. Ca se passe bien pour le moment mais c’est très ennuyant. J’ai l’habitude de beaucoup sortir. J’ai un peu de leçons à faire mais j’ai vite terminé et plus rien à faire en attendant de nouveaux cours par les profs. Je passe beaucoup de temps sur Youtube, je regarde des vidéos sur le sport et d’autres thèmes. Avec les copains et copines on a un groupe sur Snapchat, on n’a pas l’habitude de ne pas se voir. Mais là, ça va être long, je vais craquer, ça va pas le faire…
Je suis président fédéral, sur la fédération de l’Orne, j’essaye de garder le contact avec toutes les équipes d’Alençon, d’Argentan et de Mortagne. La JOC me manque, la messe aussi. Alors je prie moi-même, et puis un prêtre que je connais fait des live tous les soirs sur Facebook.
Pour ma scolarité, c’est embêtant, au moment où le Président a annoncé la fermeture des établissements scolaires, j’étais en train de passer mon BEP « Service des métiers administratifs » pour préparer au Bac « Gestion administration » que je dois passer l’an prochain. J’ai passé 2 épreuves sur 5. Je ne sais pas si je pourrais passer les autres après ou si ce sera l’année prochaine. D’ailleurs, je sens que les profs ne savent pas trop non plus. Ils savaient déjà pas trop comment nous préparer avec la réforme du BAC, là, c’est encore plus flou.
Faut pas que ça dure longtemps. D’habitude, en plus du lycée, le sport rythmait ma semaine, le rugby me manque. J’avais entrainement le mercredi et le vendredi, j’entrainais des petits le samedi, puis match le dimanche. Et là plus rien.
J’aimerais dire bonne chance aux jocistes, faut pas lâcher, on avance collectivement ! Et, prenez des nouvelles de chaque personne.”
Sofian, 19 ans, Alençon (61)
“On ne peut pas du tout sortir, on a peur de se faire attraper par la police”
“J’habite avec mes parents, mes deux sœurs de 16 et 14 ans et mon petit frère de 4 ans. Nous sommes dans un appartement. Ça va, c’est juste difficile car on ne peut pas du tout sortir, on a peur de se faire attraper par la police, on n’a pas les papiers, on vient d’Albanie. Il y a de la solidarité, les bénévoles d’une association nous aident et viennent nous déposer des courses devant la porte.
Je suis en Seconde au lycée, et pour les cours, je dois les suivre en ligne. Le problème c’est qu’on n’a pas Internet et je ne peux pas télécharger les documents. Une femme qui nous soutient nous les imprime et nous les dépose pour qu’on puisse travailler quand même. Mais pour rendre le travail c’est compliqué. J’ai tout expliqué à la prof principale et à la CPE, et les profs ont dit qu’on pourrait leur donner le travail à la fin.
Sinon, je dors, je regarde la télé. On reste en famille et on discute. Voir mes amis me manque. J’aimerais dire aux autres, vous n’êtes pas coincé à la maison, vous êtes en sécurité à la maison. Un mot peut changer votre attitude.”
Ersilda, 18 ans, Colmar (68)
“Ce virus n’aura pas notre peau !”
C’est tout en poésie que Nolwenn souhaite nous partager sa vie en confinement.
Il nous faut regarder
Ce qu’il y a de beau
Le ciel gris ou bleuté
S’arrêter ou Continuer
Désespérer ou Espérer
Croire qu’après la pluie viendra le beau temps
Ouvrir nos fenêtres et sentir le vent
Lire, s’informer, se cultiver, ne pas paniquer
Ecouter, partager et continuer de faire des projets
La vie est toujours là
Pour le moment on n’a pas le choix
S’occuper autrement et rester chez soi
Sauver des vies reste la priorité
Prendre des nouvelles, rester a l’affut
De la vie qui revient
De la vie qui continue.
Continuer d’aimer
Continuer d’avancer
Continuer d’espérer
Continuer d’y croire
N’oublions pas d’être solidaire
N’oublions pas l’autre
N’oublions pas que nous ne sommes pas seul sur terre
N’oublions pas que cette situation inédite ne doit pas faire ressortir ce qu’il y a en nous de pire
Nolwenn, 30 ans, Caen (14)