(Photo : Aymeric Warmé-Janville)
Aymeric Warmé-Janville est membre de la coopérative Dire le travail. Il a participé au projet du livre « La vie devant nous, récits de jeunes privé·e·s d’emploi », il est notamment le photographe des portraits des 9 jeunes qui accompagnent les récits. Il nous raconte ci-dessous, comment il a vécu l’aventure.
- Pourquoi avoir dit oui quand la JOC vous a proposé ce projet ?
Aymeric Warmé-Janville : La question de dire oui ou non ne s’est tout simplement pas posée. C’était une évidence. J’ai choisi le métier de photographe avec une idée en tête : rencontrer des gens, dans toute leur diversité, et leurs histoires et les mettre en images. C’est pourquoi mon activité principale est le portrait et le reportage où l’humain est central. Et quand la photographie ne suffit pas à décrire la complexité et la richesse d’une personne, j’utilise l’écriture. Aussi la proposition de la JOC correspondait au cœur de ce que j’aime et sais faire (sur un sujet sur lequel on pense et entend beaucoup de choses sans en connaître la réalité au quotidien), qui plus est dans de bonnes conditions, avec du temps pour la rencontre puisque nous avons passé trois jours ensemble. - Quelles sont les surprises de cette aventure ?
Aymeric Warmé-Janville : Je photographie de nombreuses personnes dans des univers très différents et la constante absolue en début de séance est une phrase du type : « je ne suis pas photogénique, je ne m’aime pas en photo, de toutes manières je vous fais confiance c’est vous le professionnel et avec toutes les photos que vous allez prendre il y en aura forcément une bonne » ! Ces jeunes ayant comme point commun d’être en difficulté, notamment vis-à-vis de l’emploi, je m’attendais à ce que le début de séance soit un peu plus compliqué que d’habitude, qu’il y ait une gêne du fait qu’on faisait leur portrait précisément parce qu’ils étaient privés d’emplois, donc en situation de fragilité. Cela n’a pas été le cas, bien au contraire. Les séances se sont déroulées simplement, naturellement, dans une grande sérénité et avec beaucoup de confiance, presque facilement. Cela a été très troublant. J’ai perçu chez ces jeunes beaucoup d’assurance et de force, de fierté même, face à mon appareil photo, bien plus que chez certains cadres d’entreprise que je photographie régulièrement, alors que j’aurais pu m’attendre à trouver de la fébrilité. L’autre surprise a été dans les témoignages de ces jeunes. La diversité de leurs histoires et de leurs situations de privés d’emploi, leur lucidité par rapport à celles-ci, leur combativité face aux épreuves qu’ils rencontrent. Elle est là la surprise : neuf vies denses, riches, différentes, intéressantes, qui ne sont pas celles de paumés ou de fainéants comme on pourrait parfois le croire à entendre le discours ambiant. - Aujourd’hui, est-ce que le terme « privé d’emploi », ça vous parle ?
Aymeric Warmé-Janville : Au départ ce terme m’a dérangé, car le mot « privé » est très fort. Ceci dit, pas plus que « demandeur » (d’emploi) ou « sans » (emploi). Mais à la limite peu importe le terme, ce qui m’intéresse c’est la réalité qu’il y a derrière. Ce qui émerge de tous ces témoignages c’est que ces jeunes ont tous connu une succession de difficultés, de handicaps, d’accidents de la vie, de contraintes, dont ils ne se sont pas toujours bien sortis, et c’est cet enchaînement et cette accumulation qui les a conduits là où ils sont aujourd’hui. Nous connaissons tous des difficultés, personne n’est préservé, mais certains s’en relèvent mieux que d’autres, et c’est là que le milieu, l’environnement, l’entourage, et la bienveillance sont primordiaux. Et certaines difficultés naissent ou sont accentuées par d’autres non résolues. Il semble clair que chaque fois, quelqu’un n’a pas joué son rôle ou l’a mal joué voire a contribué à aggraver la situation. Il faut que chacun prenne ses responsabilités, et ils sont nombreux si on regarde le parcours de ces jeunes : parents, enseignants, conseillers d’orientation, médecins, conseillers Pôle Emploi, et employeurs et responsables politiques bien sûr. Pour moi le terme « privé d’emploi » renvoie à la notion de difficulté accentuée d’accès à l’emploi. - Quelles sont vos attentes/souhaits avec la sortie du livre ?
Aymeric Warmé-Janville : Tout d’abord du point de vue de son contenu ce livre est sans filtre. Nous avons accompagné ces jeunes dans l’écriture de leurs témoignages mais c’est bien leurs récits, ceux de leurs vies telles qu’ils la vivent. Rien n’a été enjolivé ou édulcoré, tout est vrai, palpable, vécu. Paradoxalement c’est très rare, alors que c’est précieux. C’est donc de l’essence de vie qui est proposée au lecteur, qui pourra lui aussi en témoigner, en parler à son entourage, presque comme s’il avait rencontré personnellement le jeune dont il a lu le récit. C’est une mine d’information, d’empathie, de partage d’expérience. Ensuite il va permettre de diffuser, de donner à écouter et à voir ce que sont les vies de ces privés d’emplois. Enfin peut-être qu’il va rendre ces vies palpables, appréhendables par le grand public, qui va réaliser que ces jeunes pourraient être leurs enfants, leurs neveux, leurs voisins, et que la question de la privation n’est pas qu’une question de personne mais bien aussi une responsabilité collective de société.
Les portraits d’Aymeric Warmé-Janville sont à découvrir dans le livre “La vie devant nous”
- Découvrir les photographies et le travail d’Aymeric sur son site.
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