La Jeunesse Ouvrière Chrétienne de France (JOC) a été sollicitée par la Coordination Internationale des Jeunesse Ouvrière Chrétienne (CIJOC) à faire partie de sa délégation pour la 107ème conférence internationale du travail. J’y étais donc présente sur la première semaine de la conférence, avec une autre représentante de la JOC du Portugal (Solange, présidente) et les deux membres du secrétariat international de la CIJOC (Berhanu, président, et Idy, trésorière).
Grande première pour moi, j’ai pu découvrir et mieux comprendre l’organisation et le rôle de l’Organisation Internationale du Travail. J’ai été agréablement surprise par la volonté de dialogue et de co-construction pour améliorer la dignité au travail dans le monde entier entre les représentantes et représentants des travailleurs et travailleuses, des employeurs et employeuses, et des gouvernements. Ayant suivi le travail de la commission « violence et harcèlement dans le monde du travail », j’ai été marquée par l’ambition du groupe de travail afin de fournir un écrit suffisamment ambitieux pour changer réellement les conditions de vie et de travail des travailleurs et travailleuses, tout en cherchant à prendre en compte le point de vue de chaque groupe pour que chaque partie s’investisse et puisse ratifier la future convention.
En revanche, je déplore un peu la place allouée aux ONG, dont le temps de parole accordé était à la fois très limité et prévu en soirée. Pourtant, je pense que nous avons beaucoup de choses à dire et à faire entendre aux décideurs sur le travail décent. En effet, nous sommes porteurs d’une véritable expertise d’usage sur la « vie » et de la « parole » des travailleurs et travailleuses, car c’est bien nous qui travaillons avec elles et eux au quotidien. Nous faisons des propositions concrètes, construites avec elles et eux, pour permettre à tous et toutes d’accéder à un emploi digne, comme le Cahier de Doléances de la JOC de France, avec ses 40 revendications, construit et porté par des milliers de jeunes en avril 2017.
Nous ne nous limitons pas à parler de façon théorique de la violence ou du harcèlement, mais nous pouvons parler de Damien, jeune en situation de handicap, peu accompagné dans son emploi et dans la gestion de son rythme de vie (alors qu’il commençait le travail à 4h du matin, et habitait loin de son lieu de travail), non reconnu à la hauteur de son diplôme et donc sous-payé par rapport à ses compétences. Il a aujourd’hui été licencié parce qu’il a voulu défendre une collègue et parce qu’il n’était pas suffisamment accompagné sur son poste.
Nous pouvons parler de Mariam, à qui un employeur a posé des questions très indiscrètes sur sa vie privée lors d’un entretien pour un poste dans une grande chaîne de restauration rapide. Non formée pour connaitre ses droits, elle ne savait pas que cela était interdit et n’a pas pu se défendre.
Nous pouvons parler d’Ali, qui, après avoir obtenu son titre de séjour, a trouvé un emploi de préparateur de commande pour une grande boîte de livraison à domicile. Il a été obligé d’accepter un travail en inadéquation avec sa formation initiale, qui n’a pas été reconnue en France. Marchant une heure pour aller jusqu’au bus qui l’emmène au travail, il est parfois obligé d’accepter des horaires qui ne lui permettent pas de prendre les transports en commun.
Le travail des organisations catholiques en parallèle de la conférence est une vraie richesse car il nous permet de confronter nos organisations et modes de pensée. Animés par l’Evangile, nous agissons pour la dignité de chacun et chacune de diverses manières qu’il est intéressant de partager. Comme nous le rappelle le Pape François, « le travail n’a pas qu’une dimension économique, car il touche l’homme et tend à sa dignité. Si l’emploi vient à manquer cette dignité est atteinte. Le chômeur ou celui qui est en sous-emploi risque la marginalisation sociale, voire l’exclusion… » En tant que croyant, nous ne pouvons pas rester sourd à de telles inégalités. Il est de notre devoir de baptisé•e d’agir : « La foi des chrétiens doit enrichir la société par le biais de la fraternité… Et nous ne devons jamais renoncer à un avenir meilleur ou nous laisser emporter par le pessimisme. Chacun doit apporter sa part et tous doivent mettre la dignité de la personne au centre des préoccupations. »
Souvent peu nombreuses et peu nombreux dans les délégations, nous ne pouvions assister à toutes les commissions de travail. Grâce à nos rencontres régulières, nous avons pu échanger sur ce que chacun et chacune entendait, partager nos points d’attention en fonction des commissions de travail etc. Le séminaire organisé par les organisations catholiques permet également un vrai espace de réflexion sur le travail décent.
L’ensemble des rencontres que nous avons pu vivre ensemble a également été l’occasion d’apprendre à mieux nous connaître, mieux connaître nos mouvements, et réfléchir à l’action que nous pouvons mener collectivement pour la dignité humaine.
Floriane Rodier, secrétaire nationale à la Formation pour la JOC de France
Pour découvrir le récit de Floriane Rodier lors de la Conférence internationale du travail c’est ici