Tribune parue le 1er juillet 2020 dans Libération
La JOC est signataire de cette tribune initiée par La Ligue des Droits de l’Homme aux côtés d’autres personnalités et organisations (voir ci-dessous)
Pour signer la pétition c’est ici
Le monde entier défile, avec ou sans autorisation, pour condamner l’assassinat de George Floyd, honorer sa mémoire, et déclarer qu’enfin les personnes noires, victimes à différents degrés de racisme systémique et institutionnel, doivent pouvoir « respirer », c’est-à-dire vivre comme tout être humain, libre et égal aux autres, en a le droit imprescriptible. Ce que demandent particulièrement ces manifestants, c’est que ne soient plus ni tolérées, ni protégées, ni a fortiori encouragées par les pouvoirs publics et leurs représentants du haut en bas de la « chaîne de commandement » les violences, les humiliations quotidiennes fondées sur l’apparence, les origines ou le domicile, ainsi que les brutalités pouvant aller jusqu’à la mort.
En France, malgré l’évidence d’un passé colonial qui pèse encore sur les rapports sociaux, malgré les manifestations innombrables de la combinaison des inégalités sociales, territoriales et raciales, malgré les cris de douleur et de colère de celles et ceux qui en sont les victimes, relayés par les associations et authentifiés par le Défenseur des droits lui-même, la dénégation est officialisée. Au lendemain d’une mobilisation sans précédent sur ces sujets, le ministre de l’Intérieur se bornait à déclarer que les policiers sous ses ordres « protègent tous les Français, y compris contre le racisme ». Cette provocation valant promesse d’impunité pour ceux des policiers et des gendarmes qui confondent une identité avec un faciès a fait long feu. Face à la mobilisation grandissante, le ministre et le gouvernement promettent aujourd’hui de renoncer à telle technique, telle procédure, de faire respecter la loi par les forces de l’ordre et exhibent à point nommé rapports et enquêtes…
S’il est non négligeable, ce changement de ton ne saurait être suffisant.
Alors que s’atténue peu à peu une crise sanitaire au cours de laquelle l’ampleur des discriminations sociales et territoriales s’est trouvée exposée en pleine lumière, et dont on découvre qu’elle a aussi recouvert de nombreuses « bavures » dans l’application des politiques sécuritaires, il est urgent de crever l’abcès en parlant vrai.
Parler vrai, c’est rappeler aux pouvoirs publics qu’ils doivent respecter et faire respecter les droits fondamentaux en manifestant le courage de la sanction.
Parler vrai, c’est reconnaître le rôle des institutions et des politiques dans le développement du racisme et des discriminations.
Parler vrai, c’est nommer les coupables de violence et de racisme ainsi que leurs responsables et exiger qu’ils soient sanctionnés.
Parler vrai, c’est répondre à celles et ceux qui se mobilisent pour le respect de leurs droits fondamentaux, la justice sociale, la justice tout court.
La société civile, les associations de défense des droits, les comités constitués autour d’affaires de violences policières avancent de longue date des propositions en ce sens. Certaines sont reprises par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), ainsi que par le Défenseur des droits. Elles constituent une base pour engager une réforme profonde de la police, de ses missions, de ses méthodes, de son contrôle.
Nous, citoyennes et citoyens de toutes opinions, de toutes origines, de toutes confessions, de tous âges, genres et professions, réclamons la création d’une commission indépendante, placée sous l’autorité de la CNCDH, qui reçoive les doléances des victimes, écoute toutes les personnes et organisations concernées et fasse des propositions qui permettent de renouer le lien entre les forces de l’ordre et la population et de combattre les violences et le racisme.
Le président de la République a récemment réitéré le vœu de faire prendre à la nation éprouvée par la crise sanitaire un nouveau départ. Ce renouveau ne se fera pas sans qu’on apure de notre présent les discriminations raciales et la violence qui les accompagne. Il ne se fera pas sans tous les citoyens. Il a besoin de vérité et de justice.
A l’initiative de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et signé par plusieurs personnalités :
Estellia Araez présidente du Syndicat des avocats de France (Saf)
Etienne Balibar, philosophe
Mamoudou Bassoum, champion d’Europe de taekwondo, Gilet jaune
Lassana Bathily, écrivain franco-malien
Judith Bernard, metteuse en scène et enseignante
Patrick Chamoiseau, écrivain
Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite à l’Université Paris Diderot
Vanessa Codaccioni, sociologue
Annick Coupé, militante altermondialiste
Laurence De Cock, historienne et essayiste
Didier Fassin, anthropologue et médecin
Eric Fassin, sociologue
Nora Hamadi, journaliste
Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public
Cédric Herrou, Communauté paysanne Emmaüs Roya
Geneviève Jacques, ancienne présidente de La Cimade
Leslie Kaplan, écrivain
Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la LDH
Geneviève Legay, militante altermondialiste
Eléonore Luhaka, éducatrice et actrice sociale
Maryam Madjidi, écrivaine, réfugiée iranienne
Gustave Massiah, membre du comité international du Forum social mondial
Fatima Mostefaoui, porte-parole de « Femmes des quartiers populaires »
Laurent Mucchielli, sociologue (CNRS)
Latifa Oulkhouir, directrice du Bondyblog
Gilles Porte, cinéaste
Judith Revel, philosophe
Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS
Joël Roman, président de la Ligue de l’enseignement
Malik Salemkour, président de la LDH
Laurent Thines, neuro-chirurgien
Aurélie Trouvé, enseignante chercheuse
Maryse Tripier, sociologue de l’immigration
Françoise Vergès, militante féministe antiraciste
Comité Adama Traoré
Catherine Wihtol de Wenden, politologue CNRS
Et plusieurs organisations :
Action droits des musulmans (ADM), Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association de défense des droits de l’Homme au Maroc (Asdhom), Association des jeunes Chinois de France (AJCF), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Avec nous, Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), Collectif Vies volées, Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Comité pour Liu Shaoyao, Comité vérité et justice pour Lamine Dieng, Confédération générale du travail (CGT), Conseil représentatif des institutions noires de France (Cran), Coordination nationale Pas sans Nous !, Emmaüs France, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et Gens du voyage (Fnasat-Gens du voyage), Fédération syndicale unitaire (FSU), Femmes des quartiers populaires, Fondation Copernic, Fondation Danielle Mitterrand, Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), Jeunesse au plein air (JPA), Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), La Cimade, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue de l’enseignement, Mémorial 98, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), Réseau euro-maghrébin citoyenneté et culture (REMCC), Union juive française pour la paix (UJFP), Union nationale des étudiants de France (Unef), Union nationale lycéenne (UNL), Union syndicale Solidaires, Solidarité laïque, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social – Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ/FSU)
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