Parole du mouvement, octobre 2022
La sobriété est un terme construit en opposition avec l’excès. Mais de quel(s) excès parle-t-on ? Dans quelle mesure, nous, jeunes du milieu ouvrier et des quartiers populaires, sommes-nous concernés par ces excès ?
L’expression de « sobriété énergétique » a été utilisée par le gouvernement le 6 octobre dernier dans un grand plan pour inciter les Français à réduire leur consommation énergétique, entre autres. Concrètement, le gouvernement considère qu’avant cette date, nous, les Français, consommions tous sans distinction de situations trop d’énergie pour vivre, travailler, nous déplacer …
Cette question se pose suite à la dépendance de la France vis-à-vis de fournisseurs d’énergies. En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine en février dernier, les approvisionnements en gaz sont difficiles. Le gouvernement parle de « fin de l’abondance », un terme qui parait ironique voire méprisant pour de nombreux jeunes du milieu ouvrier. L’abondance, beaucoup d’entre nous ne l’ont pas connue. La sobriété, c’est déjà un concept violent et bien compris par les jeunes qui ne peuvent pas allumer le chauffage de leur studio parce qu’ils ne savent pas s’ils pourront en payer la facture. Le sweat, c’était déjà notre style avant que ce soit recommandé par les ministres pour éviter d’allumer le fameux chauffage …
Quelle hypocrisie de demander la sobriété à tous sans distinction ! Les jeunes des quartiers populaires et du milieu ouvrier n’ont pas accès à la surconsommation comme d’autres. La JOC ne réclame pas l’accès à cette consommation obscène, au contraire. La JOC demande une sobriété pour tous, pour l’avenir de la planète, une sobriété qui nous invite à agir et à réfléchir à nos gestes pour que nous, et les générations futures, ayons un futur dans la dignité.
La JOC dénonce depuis des dizaines d’années la précarité des jeunes, notamment à travers les permanences précarité. La JOC dénonce un SMIC trop bas qui ne permet pas aux jeunes de consommer « mieux », une garantie jeune supprimée au profit d’un contrat d’engagement jeune qui dit tout par son nom. C’est aux jeunes à qui on demande de s’engager alors que les jeunes demandent la protection de l’Etat. Ainsi, pas possible d’acheter une voiture qui consomme peu, pollue peu, pas ou peu d’accès à d’autres logements que des passoires énergétiques, difficile de consommer autre chose que des produits importés car moins chers, difficile d’avoir accès aux infos concernant ce qu’on consomme quand on n’a pas d’ordi ou de téléphone adapté, quand on ne sait pas où chercher.
Malgré cette situation profondément injuste, les jeunes du mouvement veulent agir. Ainsi, ils ont voté en 2022 une Campagne Nationale d’Action intitulée « Monde à Venir, c’est notre avenir ! Soyons les maillons du changement ! ». Parce qu’en JOC, on n’a jamais souhaité l’abondance, mais « simplement » la dignité pour tous sur tous les plans de la vie, on dénonce un système individualiste, qui, lorsqu’il est confronté à ses défauts comme aujourd’hui, répond par l’individualisme : le gouvernement agite la peur de ne pas pouvoir chauffer son appart et ou bien mettre du carburant dans sa voiture, plutôt que d’insister sur la détérioration de la qualité de l’air, de l’eau, des sols et tant d’autres bien communs par exemple.
En réalité, la sobriété est souhaitable, mais pas pour les raisons énoncées par le gouvernement. Elle est souhaitable et nécessaire pour notre Terre, notre maison commune avant tout. Nous devons penser collectivement plutôt qu’individuellement, nous ne devons pas nous laisser happer par la peur d’un manque supposé et nous devons regarder nos besoins en face. Qu’est-ce qui est nécessaire à ma vie digne ? Qu’est-ce qui est important pour nous ? Nous sommes les maillons du changement. Nous donnerons l’exemple. Le seul excès que nous connaissons n’en est pas un : c’est celui de l’engagement, pour porter nos convictions vers l’action.