Semaine du 27 avril au 3 mai 2020
Et voilà une cinquième semaine de témoignages de jeunes confinés en milieu ouvrier qui démarre ! Nous ne sommes pas tous égaux face au confinement… Au sein du mouvement, les jeunes sont nombreuses et nombreux à appréhender cette période pour leurs conditions de vie et de travail notamment, mais elles et ils ont également beaucoup d’espoir ! Parce qu’elles et ils valent plus que tout l’or du monde, la JOC publie chaque jour sur son site (ainsi que sur Facebook et Twitter) leurs témoignages pour rendre visible leurs vies en milieu ouvrier et quartiers populaires. Retrouvez les témoignages des semaines précédentes à la fin de cet article !
“Je continue de travailler pendant cette période car le piment n’attend pas !”
“Je suis saisonnière dans le Pays Basque, dans une entreprise de production du piment d’Espelette, depuis septembre 2017. Je continue de travailler pendant cette période car le piment n’attend pas ! La situation est plus compliquée que d’habitude, mais ce n’est pas lié à la crise sanitaire. Il y a eu des tempêtes sur la région fin décembre, la totalité d’une serre s’est écrasée, et en mars lors d’autres intempéries, c’est la deuxième partie d’une serre qui s’est effondrée et tordue. Mes chefs ont dû travailler et réparer les serres pour garantir la saison et la production.
En temps normal, à cette période, il y a deux équipes, qui travaillent 6 heures chacune, une le matin et une l’après midi. Exceptionnellement, nous n’avons pas pu nous organisez de cette façon, il fallait remplir les serres au fur et à mesure des réparations. Nous avons donc fait une seule équipe à 7 heures par jour. Il fallait continuer, malgré les mesures, car si on arrête, nous n’aurons pas de travail pour tout le reste l’année. L’entreprise compte 20 hectares entre Espelette et dans les villes alentours comme Ustaritz, Ainhoa et Larresore. Nous produisons chaque année entre 15 et 20 tonnes de poudre de piment.
Depuis début mars on a démarré le repiquage qui a duré 6 semaines. Avant, au mois de janvier nous avons préparé les semis et une fois les semis effectués, les plants ont bien poussé, nous avons donc pu les repiquer à la motteuse et les entreposer dans les serres où il reste environ 3 semaines. Bientôt la plantation va commencer et nous ne savons pas encore si il va y avoir du monde pour venir travailler… Donc, si y a des jeunes de la région qui veulent venir bosser, c’est possible !
Nous avons 500 000 pieds de piment à repiquer et en avons repiqué en moyenne entre 22000 et 24000 par jour. Les deux serres de production servent ensuite à partir de la mi-aout et jusqu’au mois de décembre à stocker le piment pour le séchage naturel pendant deux semaines à chaque récolte.
Travailler en ce moment, ça m’arrange, les weekends me suffisent largement pour me reposer. Et puis, j’ai toujours mon loyer à payer donc c’est mieux. Ma collègue était aussi angoissée, elle avait peur pour ses revenus. Mais heureusement, comme nous ne sommes pas les uns sur les autres, il n’y avait aucune raison qu’on s’arrête. Même si c’est un travail physique, l’avantage c’est qu’on est en plein air et en semi autonomie.
A Ustaritz, je suis un peu seule, mais mon père habite la rue d’à côté, il ne travaille pas, il est en invalidité. On peut se relayer pour les courses, on s’entraide. Ici ce n’est pas simple de trouver à se loger à l’année. Comme c’est une région touristique, les propriétaires préfèrent garder leurs appartements pour les locations saisonnières qui rapportent plus. Je regrette que mes copines soient toutes dans les Hautes-Pyrénées. Ma mère et mes grands-parents aussi. Ici, je ne peux pas voir grand monde.”
Cynthia, 25 ans, Ustaritz (64)
“Je suis vacataire, il y a les CDI, les CDD, et… les vacataires. Tout en dessous.”
“Je suis confinée chez moi, je me filme dans le couloir (Nous avions initialement reçu le témoignage de Stessy en vidéo…) , car c’est le seul endroit où je suis seule. Je suis avec ma famille, ma sœur et mon frère sont aides-soignants et peuvent être appelés à n’importe quel moment. Moi en tant qu’animatrice, je peux être appelée, mais moins qu’eux.
Je suis vacataire, il y a les CDI, les CDD, et… les vacataires. Tout en dessous. Ça veut dire qu’on peut m’appeler à n’importe quel moment et je dois rappliquer. Mon directeur a été au top. Mais, j’ai été contactée la semaine dernière pour retourner travailler. Ma mère a refusé : trop dangereux pour le moment.
Franchement ça va, je le vis assez bien pour le moment. Au début j’avais peur que le virus soit partout. Pendant un moment en regardant la Chine, on se croyait invincibles au lieu d’agir rapidement. Puis les Italiens… Pour la suite, je ne m’inquiète pas trop, c’est juste que je suis en plein BAFA, je devais passer mon stage BAFA pendant les vacances.
Quand je me réveille, je suis pendant plus d’une heure, ce qui n’est pas bien, sur mon téléphone… Je regarde des séries, je lis mes mangas. Avec ma mère, on regarde les feuilletons qui passent à la télé… Ah ! Les feuilletons !
Ça fait deux ans que je suis en JOC. J’aime bien ! A la JOC, on a pour but de faire des actions, pour d’autres, comme pour nous. Avec mon équipe on a déjà fait deux projets : une brocante où l’argent à été transmis à une paroisse au Congo pour les personnes en situation de handicap qui n’avaient pas forcément accès à du matériel sanitaire. Le deuxième projet c’était sur l’orientation des jeunes : on a fait un forum.”
Stessy, 20 ans, Paris 13ème
“Les cours à distance, c’est difficile et ça me démotive.”
“Je lis, je regarde des films. Je reçois des cours par Internet, en version pdf, mais je n’ai pas d’imprimante. Les cours à distance, pour moi c’est un peu difficile. C’est la première fois que je fais des cours à distance. C’est à moi de m’habituer et d’apprendre. C’est difficile si le prof demande à rendre un travail par mail, je ne sais pas quoi faire, j’ai des étudiants qui m’aident et qui m’orientent. Ou alors j’envoie par message à mon prof. Je ne sais pas manipuler l’ordinateur. Les examens ont été décalés au 2 mai. Mes résultats ne sont pas bons, je me demande si je ne devrais pas changer de formation. C’est difficile et ça me démotive. J’aimerais faire une formation qui me permette de trouver un travail rapidement, mais je ne sais pas quoi faire.
Parfois, je me repose quand je suis fatigué. Comme je ne suis pas seul c’est mieux, je suis avec Ali. Pour les courses, c’est Ali qui va faire les achats, et Colette, accompagnatrice, et d’autres personnes nous amènent le nécessaire. Même si c’est difficile on n’a pas le choix, avec la situation notamment en Italie et en Espagne. Je connais un ami en Italie, il est Libyen, il va bien. Je suis hébergé en foyer, on est 2 par chambre, je suis avec Ali. Il y a d’autres personnes aussi. J’ai envie de sortir et de profiter du soleil, mais on se met à la fenêtre. J’ai des contacts avec des amis. Je pensais être le seul à être en difficulté, mais au final non. Avec les copains de l’équipe, on a un groupe Whatsapp, on se donne des nouvelles.”
Souleymane, 21 ans, Dijon
“Redécouvrir ce que c’est d’avoir le temps de faire les choses”
“Je suis confinée dans mon chez moi avec mon chéri. Depuis quelques jours je ne travaille plus, j’ai demandé une rupture conventionnelle à mon employeur car notre façon de travailler allait à l’encontre de mes valeurs, et nous n’avions pas le pouvoir de faire changer les choses, nous avons quand même essayé, en vain.
Ce confinement m’amène à revoir ce qui est essentiel ou non dans ma vie. Il me permet de redécouvrir ce que c’est d’avoir le temps de faire les choses. Et la disponibilité. Je me découvre des passions comme la cuisine, je fais du sport à la maison, je lis des bouquins que je n’aurai jamais lus avant… Je fais même des siestes, moi ! Je suis d’habitude une fille très active, j’ai constamment besoin de sortir, de voir du monde. Parfois c’est un peu dur de ne pas sortir librement mais je reviens à l’essentiel : que nous allions bien et nos proches aussi.
Nous faisons souvent des visios sur le téléphone avec ma famille, et je suis en lien avec mes amis par messages ou sur les réseaux sociaux. On se partage notre quotidien de confinés, pour tenir. Ma belle mère a été suspectée d’avoir le virus, nous allons donc lui faire des courses. Nous avons également pensé à notre voisin âgé du rez-de-chaussée, mais il va bien. Nous découvrons que nous ne sommes pas seuls, que la solidarité est bien là. Et ça, ça me fait du bien.
Regarder les informations me fait du mal. L’humain est précieux, chaque être humain est unique et a quelque chose à apporter dans ce monde. Mais nos politiques ne pensent ce monde qu’à travers l’argent, quitte à nous sacrifier.
Malgré tout il faut tenir, et prendre du temps pour soi. Pour réfléchir à ce qu’on veut après, ce qu’on veut pour notre vie. Je ne sais pas encore ce que je vais faire maintenant que je n’ai plus de travail mais je choisi de profiter de cette période de chômage pour prendre le temps de réfléchir à un projet professionnel qui ait du sens pour moi.
Je réalise qu’il faut profiter de chaque moment que l’ont vit, car on ne sait de quoi demain sera fait. Mon secret pour tenir : sourire à la vie et dire à chacun de mes proches à quel point je les aime. Ma force, c’est eux.”
Adèle, 24 ans, dans l’Isère
“J’ai dit aux profs que nous n’avions pas tous les moyens de suivre ce rythme, que c’était trop lourd”
“Je suis au lycée en Terminale. Les débuts ont été difficiles. Comme les profs ne savaient pas trop, ils essayaient de nous faire tous les cours lors de la première semaine. C’était impossible de suivre le rythme. Nous n’avons pas tous la possibilité de suivre le rythme habituel en étant chez soi. Un élève de ma classe avait 39 heures de cours… Au début, on essayait de voir comment les profs allaient réagir. Et nous aussi, il fallait qu’on se mette dans un autre rythme.
La deuxième semaine, le prof principal nous a envoyé un mail pour nous demander comment ça se passait. J’ai saisi cette occasion pour répondre à tous les profs, pour leur dire que nous n’avions pas tous les mêmes moyens de suivre ce rythme, que c’était trop lourd. Et ça été entendu, ils ont un peu levé le pied. Maintenant, les profs nous donnent des contrôles « type bac » mais on ne doit pas forcément les rendre, on doit s’auto-évaluer. Comme nous savons que ce sera en contrôle continu, les profs sont moins stressés vis-à-vis de la préparation au bac.
En filière scientifique, certains profs sont moins exigeants avec nous. La prof d’Histoire par exemple, nous embête moins. C’est une pression en moins. Elle continue les cours et insiste que c’est davantage pour notre culture personnelle que pour le BAC.
J’appréhende le retour en classe, tous les profs vont vouloir au moins une note, ils vont tous nous mettre des devoirs. Pendant la période de confinement, on aura étudié mais on n’aura pas forcément enregistré tout ce qu’on doit apprendre. Si on revient en mai ou en juin, on aura forcément des semaines plus denses.
Pour l’après BAC, j’ai pu faire mes vœux sur Parcoursup, le confinement permettait d’avoir du temps. Et là, c’est l’attente.
À la maison, je suis avec mes parents et ma sœur, ça va on a de l’espace, grâce à mon jardin je peux profiter d’être dehors. Je n’ai pas mis le pied en dehors de l’enceinte de la maison depuis le début. Je passe beaucoup de temps sur l’ordi, je regarde des séries et des vidéos. Je passe du temps avec ma famille et je me détend.
En JOC, au niveau de l’équipe, on va essayer de se faire une « visio », de profiter de vacances pour se voir. Le fait de ne pas voir les amis, c’est ce qui me manque le plus. Les amis et la famille.
Aux jocistes, faut essayer de garder le lien avec nos proches, nos amis. Ça peut être source de parole pour se libérer du quotidien.”
Luc, 17 ans, Le Havre
“Ma situation n’est pas à plaindre, même si la promiscuité et la routine c’est parfois un peu gênant !”
“Je vis chez ma tante, on est 6 en tout. On habite en appartement, on a des fenêtres : pas de balcon, pas de jardin. J’ai une chambre que je partage avec ma cousine de 4 ans ma cadette. Mes deux autres cousins ont leur chambre aussi. Mon oncle continue d’aller travailler à la Mairie. Ma tante est en télétravail. Nous avons réussi à nous organiser pour que chacun et chacune puisse à avoir un lieu à soi, au moins un moment dans la journée. Je trouve que ma situation n’est pas à plaindre, même si la promiscuité et la routine c’est parfois un peu gênant !
Je suis un en première année de droit. Normalement, cela va être en contrôle continu pour le second semestre. Mais c’est assez flou pour l’enseignement supérieur. Nous avons passé les partiels du premier semestre juste avant le confinement. Certaines personnes de ma fac sont anxieuses si le second semestre est en contrôle continu.
Je trouve que la doyenne de l’Université a été à très l’écoute. Notre syndicat (UNEF Paris 13) avait des revendications. Nous souhaitions une semaine de révisions supplémentaire et la possibilité d’accéder au rattrapage. Elle est très à l’écoute et a su s’adapter à la situation. Après, c’est inégal, certains profs on n’a pas du tout de nouvelle, et pour d’autres on en a trop ! A priori, nous devrions être notés en contrôle continu, il y aurait des matières supprimées pour ceux n’ayant pas le matériel informatique. Mais tout ça, c’est encore très flou…
On devrait passer des oraux par Skype. Mais pour ceux qui ont des mauvaises connexions, ça va être compliqué. Y’a des étudiants qui ont de vrais problèmes informatiques, des bugs, qui habitent dans des villes ou le réseau surchargé. Ou simplement pas équipés. Le travail perso, c’est difficile, je pense à ceux qui n’ont pas moyen de s’isoler, et qui doivent mélanger la vie privé et le travail…
Avec mon équipe de JOC, on a des groupes sur Snap, on est proche niveau de la fédé aussi, les fédéraux. Nahla, fédérale, a eu l’idée d’organiser une soirée jeux en ligne avec les jeunes de la fédé, c’était pas mal !
Aux jocistes, j’aimerais dire que si toutes les bonnes choses ont une fin… les mauvaises aussi !”
Rebécca, 18 ans, Villeneuve-La-Garenne (92)
“C’est compliqué de ne pas voir les copains”
“Ça se passe bien. Mais c’est compliqué de ne pas voir les copains. J’essaye de faire des activités pour que ce soit moins ennuyant. Je suis en première année de CAP « Peintre applicateur de revêtement ». On a des cours à distance. Je joue la console, je regarde des films, je joue à des jeux de société avec ma famille. On vit dans une maison et c’est tant mieux pour le jardin.
Mon père est magasinier, il est au chômage technique. Ma mère est professeur. Mon frère qui est avec nous, est aussi au chômage technique, il est serveur.
Je sais qu’en mai je vais normalement reprendre les cours. Mais les profs ne disent rien là dessus. Ils nous demandent des nouvelles, mais ne peuvent pas nous dire vraiment comment ça va se passer.
Je suis en équipe JOC depuis un an. C’est mon père qui m’en avait parlé. Il avait fait de la JOC dans sa jeunesse. Alors, j’ai essayé, et ça m’a plu. Avant on était en équipe avec les grands. Maintenant, je suis responsable d’équipe, on est 5 ou 6, on essaye de se parler un peu pendant le confinement.
Ce qui me manque c’est… Pas l’école ! Les amis, de revoir tous mes amis. Et pouvoir ressortir aussi.”
Roberto, 18 ans, Saint –Beauzire (63)
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